C’est plus fort que moi. Je ressens le besoin de partager quelques réflexions en ce 12ème jour de campagne électorale. Ça sera comme une thérapie. Le comité électoral de notre circonscription reprend ses activités ce matin vers 11 heures. J’en profite donc pour écrire ces quelques mots, histoire de faire sortir le méchant.
Le visage républicain de l’ADQ
Il est évident que les conseillers de l’ADQ cherchent à rafraîchir leur stratégie électorale. Depuis le déclenchement des élections, leur chef semble désorienté, ne sachant pas sur quel clou il doit frapper pour rejoindre la population. Hier après-midi, on a pu constater le fruit de leurs réflexions. Lors d’une assemblée militante à Québec, l’ADQ a invité l’ancienne juge Andrée Ruffo à prononcer un discours sur un sujet qui lui tient particulièrement à coeur: la famille. Elle se joint au discours populiste en lançant: « Je crois encore aux familles. Ce n’est pas vrai que c’est l’État qui donne de l’amour aux enfants… ».
Voilà un double discours directement inspiré du Parti Républicain et du Parti Conservateur. Dans une même phrase, on rend gloire à la famille et on en profite pour identifier l’état comme une grosse bibitte qui devrait se retirer complètement des programmes sociaux. Voyons donc… Pauline Marois et Françoise David n’ont jamais dit que l’état devait donner de l’amour aux enfants! Toute l’idée derrière le programme des CPE est de soutenir les québécoises et les québécois qui tentent de concilier le travail et les obligations familiales… L’apparition des CPE fait suite à des années de luttes et de revendications menées par les regroupements de femmes et par des groupes communautaires.
Dans la tradition de George W. Bush et de Stephen Harper, voilà donc la dernière idée des stratèges de l’ADQ: encadrer le débat autour de la famille dans un modèle patriarcal. Il semble évident pour eux que les mamans doivent rester à la maison pour prendre soin des petits. Et Mario Dumont de préciser cette approche en lançant « avec l’ADQ, c’est un enfant, une place au soleil. Pas d’oubliés… » Cette phrase ne vous rappelle pas le slogan de George W. Bush en 2004: « No child left behind… »?
La mission des services gouvernementaux n’est pas de régler les problèmes reliés au démantèlement des familles. Les CPE existent pour faciliter le quotidien des citoyennes et des citoyens du Québec. L’augmentation du taux de divorce n’a rien à voir avec l’état. Regardez plutôt du côté de mode de vie imposé par notre société de consommation…
Le droit d’exister d’un parti progressiste
Les québécois devraient décider par eux-mêmes s’il est pertinent de compter Québec solidaire dans le paysage politique. Cette formation politique émergente, rassemblant des québécois et des québécoises de tous les horizons, doit faire preuve de créativité afin de se tailler une petite place dans cette campagne électorale. La formation de Françoise David et d’Amir Khadir ne pouvait pas enclencher des dépenses avant le lancement officiel de la campagne électorale, confirmé par la visite du premier ministre chez le lieutenant-gouverneur. Les trois « grands » partis ont commencé à se préparer à ces élections des jours, voire des semaines avant son lancement. Déjà, dans la nuit du 6 décembre, leurs pancartes étaient montées aux pôteaux. Leurs autobus étaient prêts à silloner les routes du Québec. Les locaux étaient loués, les lignes téléphoniques activées.
Le jeudi 6 novembre au matin, l’équipe électorale de Québec solidaire enclenchait ses activités pour démarrer sa campagne. À l’exception des priorités reliées aux circonscriptions des deux porte-parole, il fallait compter une dizaine de jours pour concevoir et mettre en place tous les services qui permettent de soutenir les associations locales d’un bout à l’autre du Québec. Contrairement aux trois autres partis, qui profiteront des 33 jours de campagne, cette jeune formation politique devra se contenter de trois semaines pour se faire connaître et prendre sa place dans le débat.
De plus, les médias semblent être complices dans ce jeu inadéquat en minimisant la portée de Québec solidaire. Selon l’analyse d’Influence Communications, Qs récolte un maigre 2% de la couverture médiatique alors que les trois partis principaux occupent entre 25% et 45% de l’espace. On dira que Françoise David récolte une couverture reliée aux intentions de vote… Mais comment les électeurs peuvent-ils se faire une meilleure idée si la couverture médiatique est si maigre? Dans les médias principaux, on ne parle presque plus de Qs. On ne parle que des trois partis qui siègent actuellement à l’assemblée nationale et ce, même si Qs tient des conférences de presse quotidiennes et maintient un site web qui est rafrâchi plusieurs fois par jour.
De plus, comme Pauline Marois et Jean Charest refusent d’inviter Françoise David au débat des chefs, les québécois ne pourront pas se faire une opinion par eux-mêmes. C’est l’ensemble du Québec qui est pénalisé par l’absence de Mme David à ce débat. À mon avis, il serait extrêmement rafraîchissant de l’entendre. Ça court-circuiterait l’homogénéité du discours actuel. La présence de Mme David permettrait à une portion de la population de se faire entendre.
Et que penser de la campagne de salissage envers Qs qui nous ramène dans l’ère du maccartisme, en identifiant le parti comme une formation d’extrême-gauche? C’est vraiment mal connaître cette formation politique. Comment expliquer qu’un journaliste du Devoir, qui semble admirer le travail de Ségolène Royal, puisse salir la réputation du seul parti progressiste au Québec?
La force d’une couleur à la mode
Depuis la campagne électorale de 2007, on assiste à un nouveau phénomène sur l’échiquier politique: l’attrait que peut procurer l’utilisation d’un mot: vert. Les derniers sondages indiquent que le Parti Vert obtiendrait 7% des intentions de vote. N’est-il pas extraordinaire que ce parti, qui n’a pratiquement aucune structure, attire la sympathie des électeurs grâce à la couleur qui enrobe son nom? S’il y avait un Parti Bleu, grand défenseur de la qualité de l’eau, profiterait-il également d’un succès mystérieux?
Depuis que le nouveau chef du Parti Vert, M. Guy Rainville, a refusé de s’allier à Québec solidaire afin de permettre aux deux partis de se tailler une place au soleil, j’ai moins de respect pour cette jeune formation politique. Ils savent très bien que les deux porte-parole de Qs ont de bonnes chances de gagner leurs sièges dans les circonscriptions de Gouin et Mercier. Invité à ne pas présenter de candidats dans ces deux comtés et d’identifier les endroits où Qs aurait appliqué la même stratégie, M. Rainville a déclaré « …nous avons décidé de ne pas céder les deux comtés à Québec solidaire. » Comme s’ils avaient une chance de remporter ces deux circonscriptions…
C’est ce que je retiens de ces premiers jours de la campagne électorale: discours populiste de Mario Dumont, non-respect de la démocratie de la part des médias, de Jean Charest et Pauline Marois ainsi qu’un opportunisme malsain de la part du Parti Vert. Mais nous travaillerons d’arrache-pied pour faire connaître la plate-forme de Qs et de faire avancer les idées progressistes.
Illustration: Artocular – Flickr