Contrairement à la majorité des québécois, je ne regarde pas beaucoup la télévision. Pour les quelques heures où je m’y attarde, je manque rarement le Téléjournal, j’apprécie quelques reportages et documentaires diffusés à RDI et autres chaînes spécialisées. Depuis peu, le dimanche soir est réservé à Guy A. Lepage et ses invités de TLMEP auquel je suis devenu accro, à ma grande surprise!
Les nord-américains passent beaucoup de temps devant leur téléviseur: près de 30 heures par semaine, selon les plus récentes études. Les dernières sondages confirment que les québécois raffolent de sport, de télé-réalité, de quiz et de téléromans. Les bulletins d’informations ne sont pas les émissions les plus populaires. Personnellement, pour bien m’informer, je regarde le Téléjournal à tous les soirs, je consulte les sites du journal Le Devoir et de cyberpresse, quelques magazines, quelques sites internet spécialisés et – bien sûr – quelques blogues! Je n’ai jamais été attiré par le style journalistique de TQS, son angle sensationnaliste et son approche dramatique. Malgré tout, en ce qui concerne les bulletins de nouvelles, TQS est aussi populaire que Radio-Canada et c’est le réseau TVA qui en occupe le premier rang.
Malgré la popularité de certaines émissions, les propriétaires des stations privées sont obligés de réagir aux profits qu’ils peuvent réaliser afin de justifier leurs investissements. Profitant d’une popularité grandissante, les chaînes spécialisées peuvent maintenant générer des marges bénéficaires d’environ 24% alors que celles des généralistes gravitent autour de 7%. On peut donc comprendre que la famille Pouliot et les actionnaires de Cogeco aient décidé de se départir de TQS. Ce qui est déplorable c’est qu’un nombre important d’emplois disparaissent lorsque des entreprises connaissent des difficultés financières. Cependant, cette réalité n’est pas réservée uniquement au secteur de la télévision : rappelons-nous que le Québec a perdu près de 40,000 emplois dans le secteur de la fabrication en 2007. À toutes les semaines, nous entendons parler des fermetures d’usines et du ralentissement de la production dans le domaine manufacturier. On peut se demander pourquoi les politiciens, les gens d’affaires et les journalistes dénoncenent le plan de redressement de Remstar et ce, en justifiant le droit à l’information… Comme le soulignait un lecteur du quotidien Le Devoir en fin de semaine:
… Cependant, derrière toutes ces belles paroles déterminées, on voit surtout l’occasion pour (les politiciens) de se faire du capital médiatique et politique. Dans cette perspective, je vous demande ceci: où étaient nos chers politiciens lors des fermetures de (GDX, Solectron, C. S, Brooks, Shermag et Quebecor World)? Qu’ont-ils fait pour défendre les 17 000 travailleurs qui ont perdu leur emploi en Estrie depuis 2003? Où étaient Jean Charest, Pauline Marois et Mario Dumont à ce moment-là? J’aimerais qu’on me rafraîchisse la mémoire. Peut-être ai-je raté cette campagne de mobilisation exceptionnelle destinée à sauver nos emplois du secteur manufacturier? Mais pourtant, à moins que ma mémoire ne fasse défaut, je n’ai pas souvenir de résolutions unanimes à l’Assemblée nationale en ce sens. D’ailleurs, la semaine dernière, Régis Labeaume, le flamboyant maire de Québec, tout comme Raymond Bachand, ministre du Développement économique, n’ont pas hésité à se cacher lâchement derrière la sacro-sainte loi du marché pour ne pas intervenir dans le déménagement de l’usine Crocs qui, faut-il encore le rappeler, coûte au-delà de 500 emplois à sa ville. Or, lorsqu’il a appris que Remstar envisageait de supprimer le créneau de l’information, il a affirmé avec force et conviction que la Ville de Québec donnerait son soutien aux journalistes et artisans de TQS…
Il faut également se rappeler que Cogeco a décidé de vendre TQS parce qu’elle était déficitaire et qu’elle cherchait donc à s’en débarasser rapidement. Suite à un appel de propositions, c’est la compagnie Remstar qui semble avoir déposé la meilleure offre. A quoi s’attendait-on exactement? Que les membres de la famille Rémillard se présentent comme les sauveurs de l’information juste et équitable après avoir fait fortune dans l’industrie de gestion des déchets? Qu’un homme d’affaires intéressé à mettre la main sur les hippodromes et des appareils de loterie vidéo décide subitement d’investir sa richesse afin de sauvegarder la diffusion d’informations régionales? Ces gens là sont en business : ils désirent probablement transformer TQS en une télévision qui rejoint les goûts des téléspectateurs québécois et en retirer des revenus publicitaires. Les bulletins d’information ne connaîtront jamais la popularité d’un banquier, d’une maison Rona, d’une poule aux œufs d’or, d’un docteur House ou de quelques histoires de filles… et encore moins d’une soirée de hockey!
Tout semble indiquer que le nouveau propriétaire transformera TQS en une station de télévision qui présentera ce que les maniaques de télévision préfèrent : potins sur les vedettes, émissions sportives, quiz-télé et romans-savon. N’essayons pas de nous faire croire que les nouveaux propriétaires voudront créer une station de télévision intelligente. Les sondages actuels le confirment déjà : Radio-Canada et Télé-Québec occupent les derniers rangs des sondages de popularité!
La coexistence des marchés privé et public dans le domaine de l’information est essentielle. Laissons à TVA et à la nouvelle TQS le soin de distraire les téléspectateurs et poursuivre le lavage de cerveau collectif. Ceux qui tiennent à une information de qualité et à une télévision « intelligente » doivent maintenant se questionner sérieusement sur la pertinence et l’avenir de leur télévision d’état. Au lieu de crier au scandale et de demander l’intervention du CRTC, nos politiciens devraient maintentant donner les moyens à Télé-Québec afin qu’elle devienne LA source d’information nationale et régionale. On pourrait y créer un service d’information et y engager les journalistes de TQS qui désirent poursuivre une carrière journalistique sérieuse. Il ne serait pas difficile d’ouvrir des bureaux dans les principales villes du Québec et assurer ainsi une couverture régionale efficace et équitable.
Il est primordial de solidifier le mandat de Télé-Québec car les nouvelles ententes internationales de l’Organisation Mondiale du Commerce forceront les gouvernements à se départir des stations de télévision d’état afin de permettre à l’entreprise privée d’occuper ce créneau dans son entier et de s’agenouiller devant les forces du marché. Comme il est prévu par les règlements de l’OMC, le gouvernement du Québec pourrait proclâmer que sa télévision d’état est intouchable par ces nouveaux accords internationaux empêchant ainsi que la diffusion de l’information soit contrôlée par quelques grands joueurs privés. Voilà un geste de souveraineté qui pourrait être posé par l’Assemblée Nationale du Québec.
Photo : James Good – Flickr