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Réflexions sur les récents sondages politiques

Posted by lutopium sur 2 Mai 2008

Deux sondages nous apprennent que Jean Charest et le Parti Libéral du Québec ont réussi à regagner la confiance des québécois et qu’ils auraient de bonnes chances de former un gouvernement majoritaire si des élections étaient lancées dans les conditions actuelles.  En effet, si on fait la moyenne des résultats obtenus par le sondage CROP et celui de Léger Marketing, nous réalisons que le PLQ récolterait 37,5% des votes, soit 6,5 points de plus que le Parti Québécois et 20 points au-dessus des résultats de l’ADQ.

Est-il nécessaire de se rappeler que nous vivons actuellement dans un paysage politique unique dans l’histoire du Québec et du Canada?  Pour la première fois de son histoire, le Québec est sous la gouverne d’un gouvernement minoritaire à l’assemblée nationale et d’un autre au parlement canadien.  De plus, deux nouveaux partis politiques démontrent un intérêt sérieux pour attirer la sympathie de l’électorat.  Les gens qui ont été interpellés par ces sondages confirment également que les québécois apprécient la stabilité et le relatif calme politique associés à un partage du pouvoir entre trois partis politiques.

Peu importe si on apprécie sa personnalité, il faut tout de même avouer que M. Charest est un fin politicien.  Notre premier ministre est conscient qu’il est primordial pour sa formation politique d’investir tous ses efforts pour calmer les troupes et s’assurer qu’il n’y ait aucun dérapage.  La façon dont ils ont géré le renvoi de l’ex-délégué du Québec à New-York confirme que l’entourage immédiat de M. Charest est prêt à tout faire afin de protéger l’image de leur chef et du parti.

De son côté, Pauline Marois ne semble pas en mesure de redonner ce nouveau souffle au Parti Québécois.  Même si elle semble plaire aux citoyens alors qu’André Boisclair ne faisait pas l’unanimité, Mme Marois ne parvient pas à replacer le PQ en tête de peloton.  Mais je suis persuadé que ses conseillers ont encore de bonnes cartes sous les manches et qu’elle aura d’autres occasions de marquer des points.  Évidemment, c’est un parti divisé comme jamais :  un peu à droite, un peu à gauche, confortable au centre.  Promotion de la souveraineté, mise au rancart de la stratégie référendaire, renouvellement de la loi 101… Cependant, si elle décode les messages qui sont transmis par la population, elle devrait en conclure que les gens préfèrent actuellement un paisible statu quo et qu’ils ne veulent pas replonger dans les querelles entre Québec et Ottawa.

Pauvre Mario Dumont.  Même s’il est habitué à une carrière politique qui s’apparente à une randonnée sur des montagnes russes, il doit être découragé.  Lui qui rêve de devenir premier ministre, il est pris au piège en devant composer avec le rôle de l’opposition officielle tout en réalisant qu’il est entouré d’une gang d’amateurs.  La prochaine campagne électorale sera pénible: comment s’y prendra-t-il pour conserver les acquis et demander à plusieurs députés de laisser leur siège pour faire place à des candidats vedettes?  Ça sera la guerre de tranchée.  Ma prédiction pour l’ADQ: retour à 2003.

Les québécois ne semblent pas être prêts pour encourager l’arrivée d’un parti de gauche à l’assemblée nationale.  La classe moyenne et les gens défavorisés ne s’identifient pas à Québec solidaire.  Alors qu’en Europe ces partis ont leur place sur l’échiquier politique,  Qs est incapable de grimper dans les sondages.  Françoise David et Amir Khadir auront besoin d’appuis extraordinaires lors de la prochaine campagne électorale.  Est-ce que les intellectuels et les syndicats sortiront de leur mutisme?  Si on en croit la récente annonce de Victor Lévy-Beaulieu, la primauté de la question nationale vient brouiller l’importance pour le Québec de se doter d’un parti qui se veut le représentant des travailleurs.  La gauche est prise en otage par le PQ.  C’est malsain, très malsain.

Pour ce qui est du Parti Vert, c’est tout un phénomène.  Populaire par sa couleur et son identification naturelle à LA préoccupation de l’heure, le PVQ vient brouiller les cartes.  Dommage que ses dirigeants refusent une alliance avec Qs.  Nous aurons l’occasion de voir si Scott MacKay sera en mesure de confimer la sympathie des électeurs en décrochant la circonscription de Bourget aux partielles du 18 mai prochain.  Je suis personnellement déçu que Qs et les Verts n’aient pas trouvé un terrain d’entente pour leurs stratégies associées à ce comté et à celui de Hull.  On peut toujours espérer un rapprochement pour les prochaines élections générales.

Si le climat politique continue sur cette voie, il est fort à parier que nous retournerons vers un gouvernement libéral majoritaire. Ça coincidera avec l’arrivée de nouveaux concepts de partenariats avec le privé: Rockland MD aura la voie libre pour prendre de l’expansion et on proposera – avec la complicité de l’Institut Économique de Montréal – la privatisation des infrastructures (routes, aqueduc, électricité, édifices gouvernementaux, etc.).  C’est Papa Desmarais qui va être content car ses efforts pour convaincre M. Charest de prendre le leadership du PLQ lui rendront les dividendes espérées.  Je serais prêt à gager que la compagnie Suez devienne plus active sur le marché québécois.  Les installations de traitement des eaux usées de Halifax Bay ne sont que le début de ses activités canadiennes…

Photo: lsyt – Flickr

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La complicité de La Presse et de Rockland MD

Posted by lutopium sur 12 avril 2008

Nous connaissons tous la controverse autour de l’ouverture de la clinique privée Rockland MD.  Cet établissement, partenaire privilégié de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et situé dans l’ancien comté du ministre Philippe Couillard, fait preuve d’un dynamisme qui semble être sous les effets de stéréoides fournis par l’establishment économique québécois.

La clinique Rockland MD a confirmé le 1er avril dernier qu’elle offrait maintenant une méthode révolutionnaire pour guérir le cancer léger de la prostate.  Les grands quotidiens montréalais reprennaient la nouvelle aussitôt et on a pu constater rapidement quel type de traitement les journalistes allaient nous offrir.  Pendant que les sbires de l’empire Quebecor lançaient quelques questions pertinentes, La Presse sembla se contenter d’un compte-rendu lancé par l’agence Presse Canadienne.  Du moins jusqu’à l’apparition d’un clip vidéo ressemblant plutôt à une plogue pour la nouvelle vedette de L’Institut Économique de Montréal…

Comme cyberpresse.ca semble vouloir faire dans le multimédia, le site offre dorénavant des petites capsules qui sont, pour la plupart du temps, d’une insignifiance ennuyeuse.  Je comprend que Gesca se fait les dents sur la production  télévisuelle en attendant la privatisation de Radio-Canada, mais présenter des clips mettant en vedette Alain Dubuc relève d’un étonnant courage…  Notre ancien marxiste préféré a donc choisi de nous présenter la nouvelle coqueluche de la communauté d’affaires montréalaise et notre grand sauveteur dans le traitement de la santé : Rockland MD.

Le responsable des communications de cette clinique a certainement de bons rapports avec « la putain de la rue Saint-Jacques ».  Une publicité « gratuite » sur le site internet du quotidien appartenant à la famille la plus puissante au Québec, rien de moins.  Écoutez ce qu’avait à dire Alain Dubuc sur le traitement contre le cancer de la prostate offert par Rockland MD :

« …Mais ça nous rappelle quelque chose.  C’est que dans ce dossier là, on peut voir que le secteur privé en santé a servi à quelque chose de très précis.  Parce que s’il n’y avait pas eu la clinique Rockland MD, cette nouvelle procédure de règlement du cancer de la prostate, on n’en aurait jamais entendu parler.  Ça se fait en Europe, ça se fait en Asie, ça se fait en Ontario mais pas au Québec et nos hôpitaux sont sans doute trop rigides pour être capables de se lancer dans un nouveau système comme celui-là.  Et donc ça veut dire quelque chose, le système privé en santé peut jouer un rôle d’innovateur.  Introduire un élément de concurrence, jouer aussi un rôle de franc-tireur pour arriver avec des idées nouvelles.  Et quand on a un système aussi lourd, aussi rigide, aussi bureaucratique que le nôtre, je pense que l’appoint du système privé comme franc-tireur est quelque chose d’essentiel… »

Quelques jours plus tard, le Collège des médecins questionne la qualité du traitement contre le cancer offert à la clinique privée Rockland MD et le ministère de la Santé demande à la Régie de l’assurance maladie d’enquêter sur sa légalité.  Comment alors expliquer qu’un journal ait pu autoriser la publication d’un publi-reportage avant d’examiner tous les facteurs entourant cette nouvelle technologie?  Est-ce que M. Dubuc et le comité éditorial de La Presse seraient devenus le mégaphone du lobby représentant le privé dans le domaine de la santé?

Mais qui est donc derrière Rockland MD?  Qui représente cette clinique et pourrait justifier un tel intérêt de la part des médias, des chambres de commerce et de certains politiciens?  Je comprend que le docteur Fernand Terras, directeur médical de la clinique, est un fervent défenseur de l’amélioration des soins de santé, mais qui est derrière ce groupe qui désire une population québécoise en meilleure santé?  Voici donc, pour votre gouverne, une brève présentation des actionnaires de Rockland MD : 

  • Marcel Côté, associé-fondateur de la firme conseil Secor qui a obtenu des contrats de 1,1 million de dollars pour des études sur les défusions municipales.  Proche conseiller de Robert Bourassa, de Brian Mulroney et Jean Charest.  Représente un groupe d’investisseurs au conseil d’administration de Rockland MD;
  • Marc De Bellefeuille, membre du comité consultatif de Practice Solutions, ancien président de la Conférence régionale de l’AHQ de Montréal, ancien membre de l’Institut de Cardiologie de Montréal, ancien Vice-Président de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre ;
  • Alexandre Jarry, associé de la firme d’avocats Jerry Bazinet et président du conseil d’administration de la chambre de commerce et d’industrie de Laval ;
  • Dr. Fernand Terras, ancien président de GlobalMedic – filiale de l’Association Médicale Canadienne qui a changé de nom pour Practice Solutions ;
  • Chantal Benudiz, ex vice-présidente de GlobalMedic ;
  • Dr Myriam Abikhzer et Dr Daniel Gagnon, médecins ;
  • Les fiducies Peter Pan et Richmond: aucune information disponible ;

Ce que M. Dubuc ne dit pas dans son évangile sur les bienfaits des soins de santé privés et sur l’originalité du traitement prescrit par Rockland MD est que la technologie n’est offerte qu’à titre expérimental, ce qui explique que les services de santé publics n’ont pas encore fait l’acquisition des équipements dont il est question.  Quoi de plus normal?  Si un hôpital avait acheté cet appareil – qui n’est pas encore certifié par les autorités américaines et canadiennes – M. Dubuc aurait été le premier à dénoncer l’irresponsabilité de la bureaucratie gouvernementale québécoise…

Pourquoi cherche-t-on à donner autant de crédibilité aux initiatives de la clinique Rockland MD?  Quels sont les vrais enjeux?  C’est le genre de questions auxquelles vous devriez répondre M. Dubuc.  Rien de moins.

Photo : Hautes Études Commerciales – Montréal, Flickr

Alain Dubuc a remporté les honneurs de la 12e édition du Prix du livre d’affaires 2007 de Coop HEC Montréal, pour son ouvrage intitulé L’Éloge de la richesse. M. Dubuc a reçu ce prix, assorti d’un montant de 10 000 $, lors d’une cérémonie tenue le 12 juin 2007.

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Avoir les moyens de ses convictions

Posted by lutopium sur 29 février 2008

Je dois l’avouer, j’ai été agréablement surpris des réactions à la publication du rapport Castonguay.  Je croyais que le gouvernement libéral, même minoritaire, serait sympatique aux recommandations et que le ministre Couillard se montrerait plus réceptif à un système de santé mixte.  Toutefois, même si la plupart des propositions émises par l’équipe de travail ont reçu un accueil plutôt tiède, il faudra être vigilents.  Les entrepreneurs n’ont pas habitude de baisser les bras, surtout lorsque les possibilités d’affaires sont alléchantes…

Le grand perdant dans tout ça?  Mario Dumont et l’Action Démocratique du Québec.  Croyant encore une fois hausser son niveau de popularité aux yeux de l’électorat, son porte-parole en matière de santé, Éric Caire, s’est empressé de monter sur la tribune pour vanter les mérites du rapport et nous annoncer que « les Québécois auront davantage de soins grâce à l’ajout de services privés ».  Même s’il rejette l’idée d’une hausse de taxes, M. Caire exige tout de même la participation du secteur privé.  Mais le système privé, il va le prendre où son fric?  Non seulement gobera-t-il une partie de nos impôts, mais il demandera une franchise, imposera le plafonnement des remboursements, et refusera certaines réclamations…  Et les compagnies d’assurances qui agiront en tant qu’intermédiaires pour le paiement des factures, elles vont faire ça bénévolement?  Quels seront les impacts sur votre salaire si votre employeur décide d’adhérer à des couvertures supplémentaires?  Payez-vous Sicko pour connaître le reste!  Nous faire croire que l’arrivée du privé en santé nous fera économiser de l’argent et accéder aux soins plus rapidement…  c’est nous prendre pour des cons.

« Un prince, et surtout un prince nouveau, qui veut se maintenir, doit bien comprendre qu’il ne peut observer en tout ce qui fait regarder les hommes comme vertueux; puisque souvent, pour maintenir son état dans l’ordre, il est dans la nécessité d’agir contre sa foi, contre les vertus de charité et même contre sa religion.  Son esprit doit être disposé à se tourner selon que les vents et les variations de la fortune l’exigent de lui. » Machiavel – Le Prince

Lorsque Mme Jérôme-Forget a donné le mandat à Claude Castonguay de préparer un rapport sur la question, les deux autres partis politiques ont eu l’opportunité de nommer deux experts pour participer à cette étude et contribuer à proposer des recommandations.  Mario Dumont a alors fait appel à Mme Joanne Marcotte, adjointe administrative et réalisatrice du documentaire pamphlétaire l’Illusion Tranquille.  N’étant pas une politicienne professionnelle ou une économiste de grand renom, Madame Marcotte se montre sincère dans ses prises de position et dans la confiance qu’elle démontre envers les vertus de l’entreprise privée.  Elle représente cependant ce qui est le plus surprenant avec le courant néoconservateur nord-américain : une travailleuse de la classe moyenne qui fait la promotion des idéaux de la classe économique dominante.  Comme beaucoup d’adéquistes et de conservateurs, elle défend avec force et détermination les libertés fondamentales des petits conservateurs : celles qui confortent l’égoisme et l’individualisme parce que, par dessus tout, on doit pouvoir chosir et payer soi-même les services qu’on reçoit, on peut se lancer en affaires et devenir auto-suffisant.  Les salariés deviennent les messagers de l’Institut Économique de Montréal et du Conseil du Patronat.  Comme le faisait remarquer l’américain Thomas Frank lors des élections présidentielles américaines de 2004 :

« Au cours des années 1990, un « populisme de marché » a dominé, inspiré par les stratégies de communication de Wall Street. L’idée centrale était simple : le marché est l’essence de la démocratie, laquelle ne saurait se concevoir sans lui. Puisque nous participons tous au marché – en achetant des actions, en arbitrant entre deux marques de crèmes à raser, en allant voir un film plutôt qu’un autre, les marchés expriment le choix du peuple. Ils nous apportent ce que nous demandons, déboulonnent l’ancien régime, donnent le pouvoir au consommateur. Essayer de les réglementer ou vouloir contrecarrer leur effet ne peut alors constituer qu’arrogance et tentation tyrannique des élites éduquées qui veulent continuer à passer devant tout le monde… »

Les conseillers néophytes de l’ADQ et du Parti Conservateur s’inspirent de plus en plus des stratégies de la droite américaine afin de rallier les travailleurs aux idéaux économiques et de les détourner du traditionnel clivage entre les travailleurs et les patrons, pour finalement les amener à se dissocier de l’ensemble des citoyens qui prônent la solidarité.  Je ne crois pas que la stratégie adoptée par ces deux formations politiques fonctionnera au Québec.  Si on se fie aux traditions humanistes du peuple québécois, il est fort à parier que la position de Mario Dumont sur la privatisation des services de santé ne rejoindra pas celle de la majorité des citoyens.  Ça, Jean Charest, Pauline Marois et Amir Khadir le savaient… 

De toutes façons, Rockland MD s’est tiré une balle dans le pied…

Cet article a été publié sur Un Homme en Colère le 23 février 2008 et sur Cent Papiers le 24 février 2007

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