Comme tout bon parti politique, l’Action Démocratique du Québec cherchera à profiter au maximum de la couverture médiatique que procure une course à la chefferie. Les journalistes n’hésitent pas à couvrir ce genre d’évènement politique et les faits saillants sont diffusés en direct sur les chaînes d’information continue. Une course à la chefferie permet également à des aspirants inconnus du public de se faire connaître tout en espérant en retirer quelques graines de popularité.
Avec le départ de Mario Dumont, le parti qui porte encore officiellement son nom est à la recherche de son nouveau porte-parole. Certains militants invitent à la patience en rappelant que les membres doivent tout d’abord établir les règles de la course alors que d’autres souhaitent que les activités soient lancées le plus rapidement possible.
David Chrétien, militant adéquiste de longue date et un des blogueurs adéquistes les plus actifs, souligne que « …contrairement au PLQ et au PQ, le parti n’a jamais vécu de course à la chefferie. Donc, il n’y a pas de règles déjà établies à cette fin… ». Actuellement, le juriste Marc-André Gravel est à rédiger les propositions qui viseront à modifier les stauts du parti afin de permettre cet exercice démocratique. Ces propositions devront probablement être entérinées par le prochain conseil national de l’ADQ et c’est alors que nous connaîtrons l’échéancier ainsi que les modalités reliées aux candidatures. Est-ce que les militants exigeront un prix d’entrée pour la course? L’idée est lancée: « …les principaux successeurs éventuels à Mario Dumont ont tous entendu parler d’une somme variant de 20,000 $ à 25,000 $ à verser au parti pour avoir l’opportunité d’être de la course… », comme le souligne le journaliste Simon Boivin du quotidien Le Soleil. La direction du parti ne semble pas tout à fait au courant de la chose. Le nouveau directeur-général de l’ADQ, Simon-Pierre Diamond, réagissait à la nouvelle en déclarant: « …j’ai entendu ça moi aussi. Ce sont des discussions que nous avons (sic)… »
Je me doutais bien que l’ADQ vit actuellement des problèmes financiers. C’est l’impression que je partageais déjà dans un billet publié le 20 janvier dernier. L’état des choses a été confirmé par le député Éric Caire dans une entrevue qu’il accordait cette semaine où il chiffrait la dette du parti à $600,000. Cette situation précaire pourrait peut-être expliquer cette taxe pour les candidats intéressés par la course à l’investiture du parti. Avec cinq ou six candidats, on pourrait récolter plus de $100,000, ce qui permettrait de financer une fin de semaine à la hauteur de l’évènement. Si cette course à la chefferie se tiendrait la semaine prochaine, les candidats en lice seraient: Éric Caire, Claude Roy, François Bonnardel, Sébastien Proulx (autorisation du cabinet Heenan Blaikie requise), Stéphane Gendron (peu probable), Joanne Marcotte, Christian Lévesque et Richard Merlini. Il y aurait peut-être des surprises.
Certaines personnalités québécoises ont été approchées afin de donner un peu de piquant à la succession de Mario Dumont. Elles ont cependant toutes refusé le défi. Malgré les honnêtes efforts des militants, Michel Kelly-Gagnon (ancien président du conseil du patronat), Maxime Bernier, Marie Grégoire, Gérard Deltell et Paul-Daniel Muller (ancien directeur-général de l’IEDM) ont tous décliné l’invitation. Au grand dam de ses membres, l’ADQ a du mal à rassembler les forces de droite et à se donner un second souffle. Le blogueur Suburbain Lucide résume bien la situation:
« …Les adéquistes doivent d’abord faire le deuil de leur chef, mais aussi de celui du culte du chef. Il est impératif pour les militants adéquistes d’apprendre à s’approprier leur parti, et que la parole du chef n’est pas parole d’Évangile. Les militants devront apprendre à contrôler leur parti afin de faire valoir leurs opinions, et apprendre à lutter contre les cliques et les individus qui profitent du manque de vigilence des membres pour s’approprier le parti… Pour justement avoir à se débarasser des pommes pourries qui se servent de l’ADQ pour faire avancer leur agenda personnel, les miltants adéquistes devront prendre plus de place dans la structure du parti. La constitution du parti n’a jamais prévu les mécanismes d’une course à la chefferie, c’est pas peu dire! »
L’Action Démocratique fait face à son plus grand défi: sa raison même d’exister après le départ de Mario Dumont. Il n’en tient qu’aux membres. Ce parti est la seule formation politique dans laquelle les québécois qui désirent une réduction de la taille de l’état, d’allègements fiscaux, du libre-marché, de la disparition des syndicats, de l’autonomie des écoles, des soins de santé privés – bref de la droite économique et politique, de se regrouper et de formuler des revendications. Ils ne semblent pas se retrouver dans les structures et les propositions du parti Libéral. Les prochains mois seront donc cruciaux pour les militants qui désirent poursuivre le travail. Terminons ce tour d’horizon en reprenant un texte de Martin Masse, publié après la défaite de l’ADQ en 2003:
« On s’illusionne en pensant que c’est un parti politique qui réussira à faire avancer les idées libertariennes au Québec. Si l’on devait représenter de façon schématique l’histoire des positions philosophiques de l’ADQ, on verrait une courbe en zigzag faisant parfois quelques spirales dans les moments d’intense confusion, pour aboutir dans une immense zone noire représentant le vide actuel, ou si l’on veut l’état post-électoral dépressif du pauvre p’tit Mario.
Un gouvernement adéquiste n’aurait probablement enclenché aucune réforme radicale ni réduit la taille de l’état de façon notable. Son amateurisme et l’inexpérience de ses membres auraient entravé sa capacité de gouverner. Mais c’est bien sûr le « néolibéralisme » qui aurait alors été désigné comme la source de cette débâcle, plutôt que l’incapacité de ce gouvernement à vraiment s’attaquer à l’étatisme. Les espoirs immenses qui auraient été investis dans cette jeune équipe auraient été immanquablement déçus.
Mieux valait se débarrasser tout de suite de ces girouettes confuses. C’est bien dommage pour ceux qui voulaient vraiment changer les choses et qui ont cru pouvoir le faire avec ce véhicule. Mais j’ai bien peu de sympathie pour des gens assez naïfs pour s’embarquer dans une telle galère, et qui se refusent à comprendre que la politique est un jeu irrationnel, implacable, en plus d’être par définition un jeu d’étatistes… »
Illustration: nhuthuypro – Flickr