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Une décroissance conviviale

Posted by lutopium sur 9 avril 2008

La semaine dernière, je me suis rendu à une rencontre du Mouvement Québécois pour une Décroissance Conviviale (MQDC).  Après une brève présentation du groupe et de ses idéologies, on nous a présenté le documentaire « Simplicité volontaire et décroissance » réalisé par le français Jean-Claude Decourt.  Même si le discours de la décroissance nous rappelle qu’il est peu probable que les changements nécessaires arrivent à point, les idées amenées sont très intéressantes et méritent considération.

Si les scientifiques ont raison, la planète, ou du moins l’existence des humains, sera complètement bouleversée par des évènements majeurs : inondations, crise énergétique, famines, catastrophes…  Si nous prônons une croissance économique débridée et souhaitons que tous les humains deviennent des consommateurs sur le modèle américain, il faudrait posséder au moins six planètes comme la Terre.

Voici un extrait du manifeste du MQDC :

Nous vivons dans un monde en crise. « Lucides » ou « Solidaires », tous s’entendent là-dessus. Mais les solutions proposées, qu’elles soient néolibérales ou progressistes, restent dans le paradigme du développement et de la croissance économique, alors même qu’il s’agit là d’une cause majeure de bien des problèmes.

Dans la foulée du mouvement européen de la décroissance économique soutenable, nous invitons les citoyens et citoyennes du Québec à poser un regard d’ensemble sur le système actuel, en particulier sur les problèmes écologiques et sociaux.

La « décroissance » est une interpellation à la « croissance économique », expression qui donne une connotation vivante et positive à des phénomènes destructeurs des écosystèmes et du tissu social. Le développement économique productiviste accroît l’écart entre les riches et les pauvres tandis que l’augmentation de la production de « richesse » ne signifie pas l’amélioration générale de la condition humaine. La croissance des entreprises ne les empêche pas de couper des postes pour augmenter leurs bénéfices, réduisant à néant l’argument pro-croissance de la création d’emplois. Par ailleurs, la production toujours augmentée de biens de consommation gruge les ressources qui constituent notre capital écologique et engendre de la pollution et des déchets à la tonne.

Les guerres, déversements de pétrole ou carambolages automobiles sont des exemples d’événements qui élèvent le produit intérieur brut, indicateur dont on se sert pour évaluer la santé des nations. Cette analyse des activités humaines donne un portrait inexact de la réalité. Comme beaucoup d’autres avant nous, nous affirmons que l’économie doit cesser de dicter les décisions de tout ordre et redevenir un moyen au service des êtres humains.

La décroissance n’est pas une idéologie simpliste et moralisatrice mais un appel à la réflexion fondé sur un fait incontestable : sur une planète limitée, la croissance illimitée, objectif de tous nos gouvernements, est une impossibilité. Elle conduit à des déséquilibres de plus en plus dangereux.

Texte complet : http://www.decroissance.qc.ca/manifeste.html

Documentaire « Simplicité volontaire et décroissance » : http://video.google.com/videoplay?docid=-549582913854387681

Photo : JerryD – Flickr

15 Réponses to “Une décroissance conviviale”

  1. Je suis d’accord sur le fond avec les problèmes soulevés par ces mouvements prônant la décroissance. Le hic, c’est que comme bien d’autres projets (comme l’élimination des paradis fiscaux), il faut une volonté commune planétaire. Il serait difficile de s’extirper du carcan de la croissance économique, qui est le mode de fonctionnement du reste de la planète, sans plonger dans un monde clair-obscur qui ne nous avantagerait fort probablement pas.

    Néanmoins, je rejoins les partisans de la décroissance sur le fond du problème. La solution que je propose pour ma part, c’est de mettre fin progressivement à nos activités polluantes et insoutenables (qui sont par ailleurs de moins en moins rentables) pour nous consacrer à d’autres requérant moins de ressources et étant plus profitables à l’humanité, notamment dans les domaines des sciences, de l’énergie renouvelable et des technologies vertes. Bien orienté, ce développement peut conduire à une réduction significative de notre consommation sans nécessairement freiner notre croissance économique. Le savoir ne pollue pas, mais il enrichit aussi bien mentalement que financièrement, et permet à l’humanité de marcher vers l’avenir.

  2. lutopium said

    @Alexis: je crois personnellement que les gouvernements et les entreprises, spécialement les grands pollueurs, commenceront à bouger lorsque nous serons sur le bord d’une catastrophe mondiale. Ce qui est malheureux, c’est que des pays en voie de développement connaîtront entretemps des problèmes majeurs. Et, comme d’habitude, l’occident et les pays « développés » n’y porteront aucun intérêt.

    Un jour, les présidents des grandes pétrolières, des banques et des mutinationales de toutes sortes prendront conscience du non-sens d’accumuler la richesse si leur enfants et petits-enfants ne pourront en profiter. J’espère seulement que l’être humain sera assez intelligent pour agir rapidement avant que les impacts soient irréparables.

  3. Moi, je suis vendu à la cause, il va sans dire…

    Il faudra donc que les entreprises reviennent en arrière et offrent des produits durables, quitte à augmenter le prix de vente : moins de ressources pour produire, plus de rendement pour le consommateur, et les entreprises feraient quand même de l’argent. Je ne suis pas très technicien, mais il y aurait un équilibre à recomposer pour aller dans ce sens.

  4. Mía said

    Il faut consommer moins, tout le monde le sait. Mais le gros de la population est influençable et quoi qu’il advienne, on ne vend pas d’espace publicitaire à des gens prônant la simplicité volontaire. Ce qu’il nous faut c’est un immense mouvement décentralisé de protestation contre les incitatifs à la surconsommation. Un ami donnait justement l’exemple dernièrement en collant des affiches anti-Wallmart dans les toilettes de son cégep. C’est ça qu’il nous faut à mon avis… LOL! Qui embarque?
    Mía

  5. @Mía

    Excellente proposition!

    Votre point de vue est intéressant. La meilleure idée serait de prendre nous-même la responsabilité d’un mouvement anti-surconsommation, sans nécessairement exiger des mesures coercitives par l’État, qui de toute façon est le principal artisan de ce phénomène par ses politiques fiscales anti-épargnes et par son contrôle de la monnaie (sans contrepartie métallique) et des banques centrales.

    On devrait bel et bien faire la promotion de la simplicité VOLONTAIRE, ni coercitive, ni involontaire!

  6. @lutopium

    Les guerres, déversements de pétrole ou carambolages automobiles sont des exemples d’événements qui élèvent le produit intérieur brut, indicateur dont on se sert pour évaluer la santé des nations. Cette analyse des activités humaines donne un portrait inexact de la réalité.

    Absolument d’accord! Le PIB est un indicateur de l’activité économique mais il n’est pas un indicateur (ou un indicateur beaucoup approximatif) de la santé économique d’un territoire.

    Pour l’anarcho-pragmatisme et les libertarianisme, la surconsommation n’est pas un moteur de l’économie et elle peut même être néfaste pour l’économie (et aussi pour l’environnement, on s’entend tous sur ce point) lorsque le consommateur surconsomme au dessus de ses moyens.

    C’est l’épargne et l’investissement qui sont les principaux moteurs de l’économie, par la surconsommation et pas même la consommation tout court!

  7. lutopium said

    @Renart: il semble que c’est le contraire qui se produit! Suite aux nombreux développements technologiques de l’après-guerre, les manufacturiers pouvaient construire des appareils qui duraient plus longtemps qu’aujourd’hui! Par exemple, la durée de vie d’un réfrigérateur est passée d’environ 25 ans (dans les années 60-70) à environ 12 ans aujourd’hui. Il faut absolument que ça change. Qui pourrait règlementer ces normes? L’industrie elle-même ou l’état? Je connais déjà la réponse de David 😉

    @Mia: Je ne suis pas rénuméré pour afficher le lien vers la coalition! Tu as raison, ça commence à la maison. On en parle avec les voisins, avec la famille et on peut faire des proposition à notre municipalité. Diffuser un documentaire sur le sujet ou poser des pancartes anti Wal-Mart visent essentiellement le même objectif.

    @A-P: une chose qu’on peut dire c’est que tu es convaincu par tes idées, pas à peu près! Je sais que tu es un fervent défenseur des philosophies économiques à la Friedman, mais quand même, de là à accuser l’état de tous les maux… Nous ne sommes plus au 19ème siècle où le commerce pouvait facilement se stabilier selon l’offre et la demande! Tu sais très bien que l’état doit parfois demander aux banques centrales d’intervenir. Sinon, ce sont les consommateurs et les PME qui en souffriront.

    À mon avis, la simplicité volontaire ne suffira pas. Bien des gens ont été brainwashés depuis les cinquante dernières années et ils consomment (aveuglément) de plus en plus. Ça prend des incitatifs, des règles et des lois. Tu me diras que c’est violent, certes. C’est ça ou on court vers une catastrophe.

  8. Je ne suis pas un fervent défenseur de Friedman mais je suis beaucoup plus un pourfendeur de Keynes par contre! De plus, la partie monétariste de la philosophie de Friedman me pue au nez! L’étalon-or de Von Mises est une meilleure idée.

    Un des rares points en commun que j’ai avec Friedman, c’est que je crois que le flat tax (taux unique) est un forme d’impôt moins inacceptable que l’impôt progressif.

  9. Par exemple, la durée de vie d’un réfrigérateur est passée d’environ 25 ans (dans les années 60-70) à environ 12 ans aujourd’hui.

    Les consommateurs ayant tendance à surconsommer à cause des politiques monétaires et anti-épargne de l’État, ils ont moins les moyens d’acheter des biens essentiels durables, ce qui fait en sorte que les entreprises doivent vendre de la scrap moins cher! Toutes ces politiques monétaires étatistes vont à l’envers du développement durable!

  10. Tes moyens proposés sont violents mais ça ne veut pas dire que tu es foncièrement violent, contrairement à ce qu’un certain Super Résistant disait!

  11. lutopium said

    @A-P: oui, les banques centrales pourraient augmenter les taux, réduire l’attrait vers le crédit et encourager l’épargne. Mais je ne crois pas que ce sont les gouvernements actuels, dans la forme qu’ils ont perfectionnée depuis les glorieuses de Reagan et Thatcher, qui contrôlent les banques centrales. Même lorsque Bush demande à la fédérale d’intervenir, ce sont les banques et Wall Street qui lui soufflent les réponses. L’histoire a démontré que l’état peut intervenir intelligemment et ponctuellement. Une économie de marché peut fonctionner – sans être parfaite – dans un modèle mixte où le commerce et les gouvernement coexistent. Le problème est souvent causé par les multinationales et oligarchies.

  12. Si nous n’acceptons pas aujourdhui une certaine décroissance volontaire, un jour elle nous sera forcée. Si on remplacerais les boissons gazeuses i.e. Coka-Cola par ses équivalents en fruits et légumes produits ici, la santé de la planète et des personnes s’en porteraient que mieux.

  13. lutopium said

    @A-P; Yep. On s’entend. Enfin! Bonne fin de semaine D.

  14. J’en déduis que j’étais dans l’erreur à l’origine: la décroissance dont vous parlez revient à ce que j’ai dit dans mon premier commentaire.

    Vous avez également fait allusion à la désuétude planifiée (avec l’exemple du réfrigérateur). Je suis tout à fait et positivement d’accord avec vous sur ce point: il s’agit de l’une des pires aberrations économiques et environnementales de notre société. À partir d’un texte de Frédéric Bastiat, je m’étais d’ailleurs essayé, sur mon blogue, à démontrer que cette fameuse désuétude allait même jusqu’à entraver l’enrichissement réel de la société (http://amonhumbleavis.blogspot.com/2008/01/petit-exercice-conomique.html).

    Or, je doute malheureusement que l’on puisse en arriver à des résultats probants uniquement par l’action des citoyens. J’encourage les actions individuelles, mais l’on ne saurait se passer de quelques régulations de l’État. Si celles-ci sont bien appliquées et assez sévères, l’on pourra se tourner vers une économie durable, axée sur l’amélioration de la qualité plutôt que de la quantité. Après tout, le problème fondamental de l’économie, qui a fâcheusement été détourné depuis quelques temps, est de combler les besoins illimités avec des ressources limitées… ce qui suppose d’en faire le plus possible avec le moins possible.

    Keynes avait raison sur certains points. Sa logique de la consommation peut tenir dans une perspective théorique; cependant, dans la réalité, on doit plutôt voir la croissance de la richesse comme originant de progrès technologiques. Cette consommation de technologies n’est pas incompatible avec une diminution de la surconsommation, voire son éradication. Quant à Milton Friedman, sa vision des choses me fait franchement rire… Privatiser toute activité humaine me semble extrêmement dangereux, surtout si l’on veut la décroissance!

    Voilà donc, j’abonde aussi dans votre sens, mais j’ai pour mon dire que l’État et le citoyen devront tous les deux en faire partie. Après tout, c’est à cela que sert la démocratie!

  15. […] jusque-là l’existence, comme ce Mouvement québécois pour une décroissance conviviale (MQDC). S’y retrouve également celui de Noisette Sociale, dont les billets couvrent un éventail […]

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